
> Un sourire
C’est Léonard qui a inventé l’idée de faire un portrait avec un sourire. Il n’y a pas de portrait souriant avant La Joconde, à l’exception du tableau d’Antonello de Messine, L’homme qui rit, conservé à Cefalu en Sicile.
Le Joconde sourit parce que son mari, Francesco del Giocondo, a commandé son portrait au plus grand peintre du temps, Léonard de Vinci, pour fêter leur déménagement dans une maison plus grande de Florence suite à la naissance du troisième enfant qu’elle vient de lui donner.

"La Joconde" ou "Portrait de Monna Lisa", Léonard de Vinci, 1503-1506, Huile sur bois de peuplier, 77 X53 cm Paris, Musée du Louvre.
C’est un tableau de bonheur, où une jeune femme de vingt-deux, vingt-trois ans, qui a déjà donné deux enfants mâles à son mari, est honorée par l’amour de celui-ci à travers ce portrait. Mais ce tableau, elle ne l’aura jamais, puisque Léonard le gardera pour lui. Francesco del Giocondo n’aurait pas accepté le tableau fini parce qu’à l’époque c’était un tableau scandaleux inadmissible : le sourire est incorrect et la jeune femme est plantée devant un paysage préhumain, affreux, terrible.
Le roman policier de l’histoire de la Joconde
Les qualités intrinsèques à l’œuvre de Léonard, qui avaient déjà impressionné les amateurs et les professionnels de l’art, n’auraient pas suffi au succès mondial de la Joconde si son histoire n’avait pas été également exceptionnelle.
Acquise par François 1er, soit directement à Léonard de Vinci, durant son séjour en France, soit à sa mort, auprès de ses héritiers, ce tableau est demeuré dans les collections royales depuis le début du XVIe siècle jusqu’à la création du Musée Central des Arts au Louvre en 1793. Nous savons qu’il fut conservé à Versailles sous Louis XIV et qu’il était aux Tuileries durant le Premier Empire.
Depuis la Restauration, Monna Lisa est toujours restée au musée du Louvre, pièce maîtresse des collections nationales. Etudiée par les historiens et les peintres, qui la copièrent fréquemment, la Joconde devait devenir mondialement célèbre après son vol en 1911. Le 21 août 1911, un peintre italien un peu fou, Vincenzo Peruggia l’avait en effet dérobée afin de la rendre à son pays d’origine. Après une longue enquête policière, durant laquelle on suspecta tout le monde, y compris les peintres cubistes et le poète Guillaume Apollinaire, qui avait un jour crié qu’il fallait « brûler le Louvre ». Monna Lisa fut retrouvée en Italie presque deux années plus tard et réaccrochée au Louvre, traitée avec les honneurs d’un chef d’état, après avoir occupé, durant toute cette période, les premières pages de tous les journaux du monde. Depuis lors, ce tableau est véritablement devenu un objet de culte, sacralisé jusqu’à l’excès.
Les deux voyages qu’elle effectua au XXè siècle, en 1963 aux Etats-Unis et en 1974 au Japon, furent des succès sans précédent, l’oeuvre étant mieux accueillie par les foules qu’une star du cinéma. Ces deux voyages participèrent d’ailleurs beaucoup à sa notoriété, comme le vol de 1911, et les publics japonais et américains vouent depuis lors un véritable culte à cette oeuvre qui séjourna quelques semaines sur leur territoire et devant laquelle des centaines de milliers de visiteurs défilèrent. Un créateur hors du commun et une technique sans faille, liés aux mystères de son modèle et de son histoire, furent donc à l’origine d’un engouement étonnant pour Monna Lisa qu’aucune autre oeuvre d’art n’a connu jusqu’alors. Peut-être d’ailleurs le fait que ce tableau représente une figure humaine, c’est-à-dire ni une scène religieuse ou profane, thèmes toujours datés et oubliés dès que les modes s’estompent, ni un paysage ou une nature morte, des sujets parfois trop intellectuels, expliquent sûrement cette passion des foules. En effet, le genre du portrait, genre directement accessible pour le public, a toujours été populaire et Léonard lui-même, semblant prédire déjà le succès de ce portrait, n’avait-il pas écrit : « Ne vois-tu pas que parmi les beautés humaines, c’est le beau visage qui arrête les passants, et non les ornements riches… », insistant ainsi sur les mystères des échanges du regard d’un visiteur avec ce visage étrange et souriant. (Vincent Pomarède Conservateur au département des Peintures du musée du Louvre)
Sources :
- Daniel Arasse : Histoires de peintures : chapitre 2.
- Michel Laclotte et Vincent Pomarède
- http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/vinci/joconde.htm
Sorry, the comment form is closed at this time.