
> 1925
L’année 1925 jette, sans en prendre encore vraiment conscience, les bases de ce que seront les fondements de l’art du XXème siècle. Des troubles politiques, économiques marquent cette période de l’entre-deux guerres. 1925 prend alors une dimension toute particulière. Elle s’articule entre deux arts de vivre. L’un attaché au système bourgeois et à des traditions contraignantes et restrictives techniquement et stylistiquement. L’autre tourné vers un avenir que l’on veut moderne. Dans ce contexte, l’Exposition de 1925 va devenir une compétition entre les années 1900, représentées par la « Belle Époque » et l’Art Nouveau et le présent caractérisé par les « Années Folles » et l’Art Déco.
D’un point de vue social, l’exposition de 1925 n’apporte pas de réponse. D’un point de vue esthétique, les résultats sont en deçà des espoirs escomptés. Les architectes, les meubliers, les ornemanistes cherchent à être rationnels. C’est un rationnalisme d’aspect et de surface. Il se traduit par l’utilisation de formes géométriques primaires. En architecture elles apportent monumentalité et rigueur mais n’en restent pas moins décoratives et arbitraires sans tenir compte des matériaux et des techniques nouvelles. L’exposition présente très peu d’éléments “modernes”. Citons les principaux :
Les deux pavillons de Robert Mallet-Stevens, dont le pavillon du tourisme en béton armé. L’absence de décor démesuré, et la rigueur dans l’orthogonalité des éléments s’inscrit dans l’esprit “moderne”. Des similitudes flagrantes existent avec l’aménagement intérieur du hall pour une ambassade française.
La villa de l’Esprit Nouveau de Le Corbusier est l’édifice le plus “moderne” de toute l’exposition. Il établit une correspondance et une adéquation entre fonction et esthétique (forme/fonction). Ce pavillon est mal reçu par le public et les pouvoirs publics. Il a été
financé par le méçénat de Henri Frugès (industriel à Bordeaux) pour qui Le Corbusier a construit la cité de Pessac la même année. Le pavillon est entièrement construit avec des éléments standards, préfabriqués. Ils sont pensés et conçus par rapport à leur fonction d’usage. Pour la partie “art décoratif”, Le Corbusier dit ceci :
“Pour le mobilier, je me réfère à 1924 avec le souhait de fabriquer des meubles standardisés fonctionnels pour l’industrie et le commerce, sans rajout d’effet ou de rappel artistique ou historique par un quelconque décor chargé d’intention”. Aussi, Le Corbusier utilisera le travail de Thonet avec les sièges en bois étuvé. Le Pavillon de l’Esprit Nouveau était le plus pauvre de l’exposition; ce fut la fierté de Le Corbusier. Il n’y avait rien de caché et toutes les intentions étaient visibles et lisibles (pas d’or, de nacre, d’ivoire, d’argent…). C’est la notion de “machine à habiter”.

Le Corbusier, Pavillon de l’Esprit Nouveau, dessin feutre, D.Bontemps

Robert Mallet-Stevens, le pavillon du tourisme, dessin feutre, D.Bontemps
Le pavillon de l’URSS construit par Melnikov est avec le pavillon de l’ ”Esprit Nouveau” la création architecturale la plus innovante. Il a voulu répondre aux besoins modernes des expositions fonctionnelles et temporaires par les matériaux choisis, leur usinage et leur assemblage (bois/verre/couleur – dominantes rouge et blanc). Les critiques ont qualifié ce pavillon de « baraquement de fortune » et de réponse à la crise économique rencontrée en URSS. Ils n’y ont vu aucun signe pour l’avenir. L’intérieur présentait la diversité des tendances de l’art russe des années 20. Cohabitaient folklore et constructivisme dans la conception et les décors des objets (céramique de Suétine). Le théâtre, l’affiche, l’art du livre sont profondément marqués par le constructivisme et les avant-gardes : Kasimir Malevitch, Archipenko. Tatlin présente son monument pour la III ème internationale. Le pavillon de l’URSS est le seul pavillon étranger à proposer quelque chose de nouveau, de fonctionnel et adapté à une exigence moderne impliquant des critères économiques et esthétiques.

Le Pavillon de l’URSS, Melnikov, dessin, D.Bontemps
Le pavillon autrichien en revanche est confié à Joseph Hoffmann, le créateur des Wiener Werkstätte en 1903. Si l’ architecture du pavillon n’apporte pas de grandes innovations, Hoffmann fait cependant appel à Peter Behrens pour édifier sur la Seine une serre suprématiste. Paxton en 1851 avait développé une performance technique. Behrens propose ici une solution formelle ancrée dans les avant-gardes russes et adaptée à la technique du fer et du verre.

Peter Behrens, serre sur la Seine, dessin, D.Bontemps
Seuls ces quatre exemples démontrent lors de l’exposition une volonté de rompre avec l’ historicisme et d’adapter les technologies nouvelles à une nouvelle esthétique tournée vers la modernité. Victor Horta pour la Belgique déçoit dans un style néo-classique. Le pavillon néerlandais respecte la tradition locale : bois et briques et ses avant-gardes ne sont pas représentées. Le pavillon britannique n’est pas concerné par une recherche “moderne” ni dans sa décoration intérieure, ni dans sa conception architecturale.
D.Bontemps
(dessins D.Bontemps)
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